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Mazarinade n° A_5_11

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Anonyme [1649], LETTRE ESCRITE AV CHEVALIER DE LA VALETTE. Soubs le Nom du Peuple de Paris. Auec la responce aux placards qu’il a semez par ladite Ville. , françaisRéférence RIM : M0_2212. Cote locale : A_5_11.


interest que pour le bien public. Ie suis vn peuple doux & debonnaire qui ne
cherche & ne demande que le repos & la bonnace, c’est pour elle que ie me sacrifie,
& non pas pour des interests particuliers & de nulle consideration : Et quoy
que tu médise de mes Princes si bien brodez & passementez, de mes soldats que
i’ay armez, de mes Senateurs que i’ay interressez dans ma cause, quelque calõnie
que tu impose, & aux vns & aux autres, tout cela ne seruira qu’à me fortifier dans
mes iuste entreprises, & allumer mon courage pour soustenir la Couronne penchante
de mon Souuerain : Si ie n’ay point assez de troupes, quoy que i’en aye &
plus que tu ne dis, & plus que tu ne sçais, & plus infiniment qu’il ne m’en faut,
pour resister aux violences de celles du party aduerse, que tu aurois plustost compté
que les miennes si tu y voulois employer le temps au lieu de le consumer par
vne entreprise indigne de ta naissance, à me porter à la sedition & à la discorde ;
I’ay Dieu pour moy en la Iustice de ma cause ; lequel sans taxes, sans soldats, sans
forces, sans munitions, sans poudre, sans feu, sans fer, sans armes, mais seulement
par vn seul souffle, & non pas par le secours d’vn seul Ange, comme autrefois
dans l’armée de Sennacherib peut dissiper mes Ennemis, Si Dieu est pour nous,
qui est ce qui sera contre nous, C’est ce qui nous anime d’auantage : car si nous pensions
que nostre resistance fust iniuste, cette consideration plustost que la crainte
de respandre du sang, d’épuiser nos bourses, de perdre nos biens & la liberté, de
nous voir pour tousiours miserables : ce motif plustost que tes reproches & tes
calomnies nous osteroient les armes des mains ; mais ayant des sentimens tout
contraires & tres certains nous les retenons, & si l’on ne void point sortir nos
troupes comme tu nous le reproche ; c’est que nos armes sont douces, c’est que
nous espargnons le sang de ceux qui combattent pour nous, c’est que nostre deuoir
est de resister & non pas d’attaquer, de repousser le choc & non pas de le
donner ; c’est que nostre guerre n’est pas cruelle, c’est que nous ne voulons point
de mal à nos ennemis, & partant ce nous est vne gloire que nostre soldatesque
que tu reduits à deux mille méchãs phantassins & à huict cens cheuaux, ne monstre
point le nez hors la ville, qu’elle n’y rentre aussi-tost ; ce reproche nous est
glorieux, & c’est vn tesmoignage infaillible de nos desseins, & de cette douceur
qui nous est naturelle selon l’adueu mesme de tous les peuples.
 
Ne me parle point ie te prie des sommes immenses que l’on donne à mes Generaux
& à mes Chefs, ne controlle non plus en cela mes actions que ie fais ceux
du Roy, auec lequel tu est bien si temeraire que de me faire entrer en comparaison ;
il donne à ces officiers de guerre ce qu’il luy plaist ; qu’il leur donne tant qu’il
voudra, cela est digne d’vne magnificence Royale ; personne, excepté toy, ne
censurera iamais cette liberalité ; la mienne est raisonnable, & nous ne sommes
ny immoderez ny mauuais économes, ny mauuais ménagers des deniers publics,
de faire toucher des quatre cent mil escus à des Generaux pour la solde de l’armée
que nous n’auons pas encore produite, crainte de t’estonner, de donner cinquante
mille francs en pure gratification, nous sçauons bien que cela te fait mal
au cœur & que tu aymerois mieux les auoir dans ta bourse, mais sçache que l’on
ne sçauroit assez recognoistre en de semblables rencontres l’affection des personnes
de cette condition & de cette naissance enuers leur Souuerain, qui en aura
beaucoup pour nous, quand il sçaura de quelle façon nous auons vuidé nos