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Mazarinade n° C_9_45

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Anonyme [1649], REMONSTRANCES A LA REYNE REGENTE, SVR LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT. , françaisRéférence RIM : M0_3334. Cote locale : C_9_45.


esté le fruit du supplice qui luy a osté la vie.
 
Pourrez-vous refuser, MADAME, de vous rendre à la force de ces exemples
de bonté & de misericorde, comme Chrestienne vous le deuez imiter, ou
vous ne deuez iamais esperer de salut, en qualité de Reyne vous ne vous pouuez
excuser de flechir sous le poids de ces raisons, voyant le plus innocent des
hommes & le premier de tous les Roys auquel vous estes redeuable de vostre
Couronne, soffrir, perdre & l’honneur & la vie pour les pecheurs ses ennemis. Il
vous a donné part à ses misericordes, lors qu’il vous a fait naistre dans son
Eglise, ayant de plus annobly vostre Maiesté des marques de sa grandeur, &
tracé sur vostre personne l’image de sa souueraineté, & auiourd’huy il se promet
que vous serez vne image de sa clamence, & qu’en consideration de sa bonté infinie,
qui ayant esté si sensiblement offencée n’a eu que des graces & des biens-faits.
Vous espargnerez le sang & conseruerez la vie & les biens à des millions
de peuples qui ne vous ont point offencée, & comme à toute heure Dieu souffre
les pecheurs auec les iustes qui le seruent, afin de leur donner du temps pour
demander misericorde, comme il en differe la punition, de crainte que le mesme
coup dont sa main pourroit frapper ses ennemis, ne blessast ses plus fidels
seruiteurs. Il ordonne à vostre Majesté de faire difference entre les innocens &
les coupables, si vostre iustice en peut descouurir, & il veut que vous conseruiez
l’autorité & la puissance qu’il vous a mise en main, mais sans ruiner la fortune
& sans répandre le sang de ceux qui ne l’ont point offencée, & qui n’ont iamais
eu la pensée d’en former le dessein.
Dieu, qui au iour de sa iustice demandera compte à tous les Chrestiens des
graces qu’il leur aura faites, & qui examinera l’vsage & l’employ des biens dont
la bonté vous aura esté si liberale d’obliger vostre Majesté à luy rendre raison du
gouuernement d’vn Estat qu’elle luy a confié, & si au lieu de succez d’auantage
de la paix & de la tranquillité, ses yeux ne descouurent que pertes, qu’vsures,
qu’opressions, que troubles, que desordres & que violences, quel arrest deuez-vous
attendre de sa iustice, n’aurez-vous pas sujet de craindre son iugement,
& vos mains non seulement vuides de graces & de biens-faits, mais mesmes
pleines de foudres & toutes teintes dans le sang de tant d’innocens, pourront-elles
attirer les misericordes de celuy qui ne peut souffrir la vangeance & qui
ayme beaucoup mieux faire les mesmes faueurs aux criminels, dont il oblige les
innocens & les saincts, afin de moyenner vn delay à la punition qu’ils meritent.
Laissez à Dieu, MADAME, la vangeance des iniures que vostre Majesté
croit estre faites à sa personne & à son authorité, & il la fera si pleine & si
entiere, que vous en serez satisfaite. C’est auec beaucoup de iustice que Dieu a
deffendu aux hommes la vangeance, parce que comme la vie est extraordinairement
bornée, elle ne peut donner à l’amour de Dieu & aux biens-faits tout le
temps qui leur seroit necessaire. De sorte que ce peu de temps se trouueroit occupé
à la vangeance comme les offenses reciproques des hommes sont tres-frequentes,
à peine nous resteroit-il quelque moment pour aymer Dieu & secourir
le prochain dans ses miseres : Mais comme Dieu est eternel en la durée de
son estre & de sa vie, il n’a pas moins de temps pour punir les iniures faites à sa