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Mazarinade n° B_5_56

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Anonyme [1652], HISTOIRE DE MAGDELAINE BAVENT, Religieuse du Monastere de Saint Loüis de Louviers. Avec sa Confession generale & testamentaire, où elle declare les abominations, impietez, & sacrileges qu’elle a pratiqué & veu pratiquer, tant dans ledit Monastere, qu’au Sabat, & les personnes qu’elle y a remarquées. Ensemble l’Arrest donné contre Mathurin Picard, Thomas Boullé & ladite Bavent, tous conuaincus du crime de magie. DEDIÉE A MADAME LA DVCHESSE d’Orleans. , françaisRéférence RIM : M0_1640. Cote locale : B_5_56.


consulter ses Oracles de Louviers. Il s’étoit amusé à me
faire des exorcismes avec le bon Monsieur Gauffre ; me traittoit en
possedée, & je le trompay d’importance ; car je la contrefis, pour
luy donner le passe-temps qu’il cherchoit ; & j’imitay parfaitement
ce que j’avois veu pratiquer aux filles & à la Sœur Barré, sa
grande sainte, sans instructions à l’oreille, ni de luy ni d’autres, devant
les exorcismes, encore que je le reprisse aigrement apres d’abuser
ainsi de son Maistre & du mien, qui étoit au tres saint Sacrement,
lequel il tenoit en cette action ; luy repetant tout ce qu’il
m’avoit dit, & tout ce que je luy avois reparty, & luy disant qu’il
donnoit matiere de rire aux Huguenots. Lors qu’on fit mourir
Bellard, accusé de sorcelerie, à Evreux, comme on m’eust fait venir
devant luy, qui étoit tout prest d’aller au supplice, & avoit déja
eu les tortures, pour luy estre Confrontée sur ce qu’il avoit dit de
moy : ledit Bellard répondit, que tout ce qu’il en avoit dit n’étoit
que par vn oüy dire public ; & que pour ce qui concernoit le papier
de blâphemes, son Confesseur Mr le Penitencier luy avoit dit,
que s’il pouvoit parler de moy en ce faict, il luy donneroit six sols :
pour lesquels avoir (sa pauvreté étant extreme) il avoit dit à dessein
de le contenter, que je l’avois mis entre Louviers & Evreux :
En suite dequoy je fis demander le Confesseur en presence des
cinq Iuges, qui se cacha, & ne parust point. Mon Confesseur vouloit
absolumẽt que je ne misse point ces choses, & m’en a suppliée :
Mais parce que je desire que cette Confession testamentaire soit
mise entre les mains de la Cour, plusieurs personnes de condition,
à qui je les ay dites, luy ont dit qu’elles étoient de consequence, &
qu’il étoit obligé de me laisser libre. Ie laisse à penser apres tout
cecy, si j’ay occasion d’avoir vne grande confiance en vne personne
qui cherche ma perte entiere.
 
A dire vray, je receu vne consolation tres-particuliere de voir
mon ame en d’autres mains que les siennes : Et je le dis de bon
cœur, j’ay loüé cent fois Dieu dans ma prison de Roüen de sa providence
vers la miserable Magdelaine, à la faire venir en cette
ville, & à luy donner pour sa conscience les personnes qui la dirigent.
Si je les eusse eu dans le Monastere, je ne serois pas ce que
je suis : & si on m’eust conduite en leur mesme façon, j’aurois davantage
profité de mes tourmens, & aurois évité beaucoup d’offenses.
Leur premier travail a esté de me gagner le cœur à Dieu.