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Mazarinade n° C_3_45

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Monaco,? [signé] [1649], LETTRE CONTENANT DES AVIS DE POLITIQVE ET DE CONSCIENCE, enuoyée au Cardinal Mazarin à sainct Germain en Laye, par son Confesseur le Pere Monaco, Superieur des Theatins. Traduite fidellement d’Italien en François. , françaisRéférence RIM : M0_1831. Cote locale : C_3_45.


remplis de calomnies. Ie vous prie de ne vous en tourmenter pas,
n’y d’affliger vostre esprit, qui n’est pas vôtre, puis que vous l’auez
tout consacré au public, à qui vous deuez tous vos soins & vos passions.
Il recognoistra vn iour l’innocence de vos actions, & trauaillera de ses
propres mains les ouurages de vostre gloire ; pour cét effet, la pratique
de ces deux choses vous est absolument necessaire ; la premiere, que
vous renonciez à la hayne que vous auiez conceuë contre la Ville de Paris ;
la seconde, que pour vous maintenir en l’amour du peuple, aprés
que vous l’aurez recouuert, l’inconstance de la fortune soit l’obiect de
vos plus ordinaires meditations ; ce sont les deux aduis que ie vous
donne en la presente que ie déduiray icy plus au long.
 
Monseigneur, toutes les creatures sont les ouurages de Dieu, elles
ont des qualitez qui les rendent aimables, & la bonté qui est le principal
obiect de l’amour leur est si naturelle, qu’on ne la peut separer de
leur essence ; tandis qu’elles subsistent, nous sommes obligez d’auoüer
qu’il leur demeure quelque teinture de bonté, qu’on ne leur sçauroit
oster, sans les anneanti absolument. Pour opposées qu’elles puissent
estre à nos inclinations, nous sommes obligez de croire qu’elles n’ont
rien de mauuais, & que les qualitez mesmes qui nous blessent ont leurs
emplois ; les poizons seruent à la medecine ; les monstres qui semblent
estre les deffauts de la nature, contribuent par leur laideur à releuer la
beauté des autres creatures ; les demons mesmes n’ont rient perdu de
leurs aduantages naturels ; il est vray que ces mesmes aduantages font
leurs supplices, & que leurs beautez & leurs lumieres seruent à la iustice
diuine pour les rendre plus miserables : mais cette consideration
n’empesche pas que leur nature ne soit bonne & que Dieu ne voye dans
le fonds de leur Estre des qualitez qu’il aime, comme il voit dans le
fonds de leur volonte des qualitez qu’il deteste.
La haïne est donc inutile, & pour l’exercer, il faudroit chercher
d’autres creatures qui peussent estre les obiets de nostre indignation ;
il n’y a rien dans le Ciel & dans la Terre qui ne soit aimable ; si quelque
chose nous choque, nostre mauuaise humeur en est la cause ; il en faut<lb/> accuser le peché, qui ayant mis le desordre dans nostre volonté, luy a
donné des antipathies desraisonnables, & la contrainte de haïr les ouurages
de Dieu, ie sçay qu’il y a des auersions naturelles entre les creatures
insensibles, & que par vn miracle, la paix du monde s’entretient
par la discorde des elements ; mais Dieu a voulu que leur guerre fut le
repos de l’vniuers ; leurs querelles sont innocentes, ils ne s’ataquent
pas pour se destruire, mais pour se conseruer ; leurs combats naissent
de leurs deffauts & ils ne sont iamais en mauuaise intelligence, que
parce qu’ils sont imparfaits : car les autres qui sont en vn rang plus
esleué de noblesse, quoy qu’ils ayent des inclinations differentes, se
font neantmoins violance pour ne pas troubler la tranquillité du
monde.
Vostre Eminence voit de ce raisonnement, que si l’homme a des