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Mazarinade n° C_3_78

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Peccot-Quanesi [signé] [1649 [?]], LETTRE D’VN RELIGIEVX A MONSIEVR L’ABBÉ DE LA RIVIERE : Où luy sont enseignez les faciles moyens de faire sa paix auec Dieu & le Peuple. , français, latinRéférence RIM : M0_1893. Cote locale : C_3_78.



Dans l’extreme douleur où mon ame fut plongée au
bruit d’vn si fascheux accident ; ie pris resolution de chercher
quelque allegement dans la conuersation, craignant
que la retraite ne rendit mon mal extreme, par vne trop profonde
consideration des desastres que ie preuoyois en queuë
de cette action temeraire.
Ie quite donc ma solitude, ie visite mes amis, mesme ie
m’ingere parmy ceux qui m’estoient inconnus, & abbaissant
ma condition, ie me rendis populaire. Ainsi à l’exemple de
sainct Paul, ie me soumettois à tous, afin de gagner vn chacun,
& tirer par ce moyen plus facilement leurs sentimens.
Ie ne m’arreste point à vous raconter combien cette façon
d’agir reussit selon mes desirs, & charma ma douleur ; Vous
le pouuez aussi bien iuger que moy, quoy que cette sorte de
communication consiste principalement à s’abaisser iusqu’à
vne condition la plus humble, & feindre d’estre ce qu’on
n’est pas. Nos Histoires nous en donnent des exemples en
la personne de plusieurs de nos Roys, qui ont montré à leurs
sujets, qu’il falloit quelquefois rabatre de ce que la nature
les auoit faits, s’ils ne vouloient que cette mesme nature leur
fust à charge. Ie ne puis pas vous rapporter en d’étail tout ce
qui fut dit ; mais ce que ie pûs remarquer fut vn partage des
esprits, que ie reconnus autant diuers, que les personnes que
i’abordois, estoient diuerses en condition.
Omnia me
seruum feci,
vt plures
lucrifacerẽt.
Cor. 9.
Ceux que la nature auoit fait naistre d’vne condition au
dessous de la mediocre, & qui approchoit de la plus basse,
n’auoient que des paroles de feu pour le Mazarin, qu’ils ne
regardoient pas pourtant tellement autheur de nostre infortune,
que vous n’y eussiez aussi vostre part : Vn sens plus subtil
causé par vne naissance plus noble, donnoit moyen aux
autres de penetrer mieux la verité du fait, d’où ils tiroient
des lumieres qui vous estoient bien autrement prejudiciables
qu’à Mazarin, & qui faisoient clairement voir que l’attentat
sur la personne de sa Majesté deuoit estre attribué à
vous seul, & non pas à luy, qui n’ayant de soy assez d’accez
aupres de Monsieur le Duc d’Orleans, pour le faire consentir
à vne action si criminelle, qu’il pouuoit empescher en déniant
son consentement, s’est serui de vous pour l’extorquer.
Chacun a sceu auec combien de repugnance Monsieur le
Duc d’Orleans s’est laissé aller, & quelle violence il a fait sur