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Mazarinade n° C_3_63

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VV. [signé] [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME FRANÇOIS, PORTÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ par vn Trompette de la veritable Armée du Roy. Pour le dissuader de la Guerre qu’il fait à sa Patrie. , françaisRéférence RIM : M0_1876. Cote locale : C_3_63.


que de satisfaction. Tesmoin cette maudite occasion de Charenton,
où la perte que vous auez faite de Monsieur de Chastillon,
& de quelques autres vaillans Seigneurs & Officiers, & nous
de celle de Monsieur de Clanleu, vous deuroit faire connoistre le
funeste malheur & la maudite suite que vous deuez attendre d’vne
entreprise si mal digerée, si preiudiciable à la France, & qui peut-estre
sera fatale à vostre Altesse. Car il est à craindre, (& Dieu
veuille que ie sois mauuais Prophete) qu’apres auoir perdu les
membres, que vous ne mettiez en grand danger cette precieuse
teste, dont les belles facultez deuroient estre employées contre
les Espagnols, qui à present se preparent à profiter de nos diuisions.
Helas ! tout autant qu’il meurt de Gentils hommes en France,
autant de réjouissances sont faites parmi nos Ennemis, qui
dressent leurs trophées de nostre sang, qui s’agrandissent de nos
pertes, & se mocquent de nos miseres & de nos ruines. N’est-il
pas vray, Monseigneur, & vous me le confesseriez sans doute, si
vous vouliez parler selon vostre cœur ; que le braue & vaillant
Chastillon valoit mieux que cent hommes faits comme Mazarin ?
Et qu’il n’est pas mort & ne mourra pas vn Gentilhomme François,
que vous & nous ne deuions estimer plus cher que ce maudit
Estranger, qui semble auoir suscité toutes les Furies de l’Enfer,
pour nous armer les vns contre les autres, & pour nous faire entretuer ?
Quelles consolations, ie vous prie, pourrez-vous donner
à la belle Vefue de ce malheureux Seigneur ? Luy pourrez vous
dire qu’il est mort dans le lict d’honneur, puis que c’est contre sa patrie
qu’il a combatu & qu’il est succombé ? Son ombre ne vous fera
elle pas vn iuste reproche de l’auoir armé contre sa nation &
contre ses concitoyens ? Le Cardinal Mazarin aura-il l’effronterie
de paroistre deuant les yeux desolez de cette Illustre Dame ? Et ne
feroit elle pas vne action heroique & digne d’estre cizelée dans le
temple de l’eternité, si elle enfonçoit vne dague dans le sein de ce
Monstre, qui est cause de son desastre & de nos maux ? Mais helas !
son sang est trop infame & trop impur pour en reparer vn si noble.
Et les nations Estrangeres & la posterité se mocqueront auec
iuste raison de nostre stupidité & de nostre aueuglement, de ce que
vous protegez ce Démon, que vous deuriez plustost estouffer
dans son sang, & satisfaire vostre patrie, par les supplices qu’il a
meritez.