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Mazarinade n° D_2_14

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Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin: Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : D_2_14.



Cependant cet autre fils qu’on appeloit Iules, estant encor ieune seruoit
de lacquais ou d’estafier, pour ne dire pas dans les plus honteuses & sales
voluptez que le Demon ait pû inuenter pour perdre les hommes par
la corruption & cõcupiscence de la chair. Tout Rome sçait ce qu’il estoit
& le rang qu’il tenoit pour lors dans les maisons des Cardinaux Sachetti &
Antonio. Chacun sçait aussi que son esprit formé sous l’Astre de Mercure,
& né au larcin & à la fourberie, ne s’employoit qu’à l’estude de son inclination :
Qu’il feit voyage à Venize & à Naples pour apprendre les piperies
qu’on pratique dans les Ieux de hazard, dont il deuint maistre si parfaict
en peu de temps, qu’on luy donnoit par excellence le nom de pipeur :
Dequoy toute la Cour de France sçait la verité, & plusieurs ont fait experience
à leur tres-grand preiudice & de toute leur famille. Mais pour passer
sous silẽce toutes ces choses qui feroiẽt la matiere d’vn gros volume, il suffit
de considerer ce qui s’est passé en sa personne depuis qu’il est en France, ce
qu’il estoit au temps qu’il y est venu, ce qu’il y est, & qu’il y a fait iusques
à present. Lors de son arriuée, de petit postillon qu’il estoit, pour s’estre
signalé par vne fourbe, qui noircissoit & la conscience & l’honneur du Pape,
& qui fut comme l’allumette des flames qui par la guerre deuorent la
Chrestienté, n’osant plus retourner à Rome, il fut recueilly par le Cardinal
de Richelieu, qui le trouuant d’vn esprit assez conforme au sien, & propre
aux intrigues dont il auoit besoin pour la conduitte des desseins desquels la
vanité luy auoit remply le cerueau, l’employa aupres de luy, luy donna plusieurs
commissions pour tromper les vns & les autres principalement le
Prince de Monaco ; Et outre les despences de ses voyages, luy faisoit donner
tous les ans, vne pension notable par le Roy, sans parler de ce qu’il auoit
sous main en qualité d’espion. Mais par ce que tout cela n’estoit pas suffisant
pour ses desseins, & qu’estant fort adroit il sçauoit bien par où il falloit
s’insinuer dans l’affection des Grands, connoissant l’humeur du Cardinal
de Richelieu d’vne superbe sans pareille, qui comme vn Dieu ne vouloit
pas estre abordé, ny adoré les mains vuides, il employoit tout ce qu’il auoit
de pension en achapt de presens qu’il luy faisoit, afin de se conseruer dans
ses bonnes graces ; Si bien qu’il estoit contraint de pouruoir d’ailleurs à
vne partie de sa despense & de son entretien. Et pour cet effect, suiuant la
profession de son ayeul, il faisoit trafic par l’entremise d’vn sien domestique
de liures qu’il faisoit venir de Rome, de tables d’Ebene & de bois de la
Chine, de tablettes, de cabinets d’Allemagne, de Gueridons à teste de more,
& autres curiositez, qui se vendoient publiquement dans vne Sale de l’Hostel
d’Estrée, en la ruë des bons enfans, qu’il auoit loüée pour ce suiet : Et
de l’argent qu’il en tiroit acheptoit des montres & quelques pierreries qu’il
enuoyoit à Rome, afin que de tous costez il tirast ce qui estoit necessaire à
sa subsistance. Et cet esprit mercenaire & de trafic luy est tellement naturel,
qu’à present qu’il est Cardinal gorgé de biens, & suffoqué presques de
toutes les richesses de l’Estat, il ne sçauroit se retenir d’en vser. Car l’on
sçait qu’il fournit à la maison du Roy & de la Reine, toute sorte d’estofes,