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Mazarinade n° D_2_14

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Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin: Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : D_2_14.


LETTRE D’VN RELIGIEVX ENVOYÉE
à Monseigneur le Prince de Condé à Sainct
Germain en Laye.

MONSEIGNEVR, Les faueurs, & les
insignes bienfaits par lesquels vous vous estes acquis les
cœurs, les affections & les vœux de tous ceux de nostre
Ordre, en quelque endroit qu’ils soient dans toutes les
parties du monde, obligent à present, par vn malheur
inopiné, l’vn de ses moindres Religieux de mettre la
main à la plume pour vous parler sur du papier, ne luy estant pas permis
de le faire de bouche comme il auoit cy-deuant accoustumé, lors qu’il
auoit l’honneur de trouuer l’accez libre auprés de vostre personne. Et ie
prens cette liberté d’autant plus hardiment, que c’est en vn sujet où il y
va de l’interest de vostre gloire, & de cette grande estime que vous vous
estes acquise par vostre generosité incomparable, pour la conseruation de
laquelle nous voudrions sacrifier tout ce qu’il y a de bien, de credit, & de
pouuoir dans toute nostre Congregation. Car, Monseigneur, personne
n’ignore que vous estes de trop illustre naissance, trop bon François, trop
seruiteur du Roy, trop vigoureuse branche de la Tige de Bourbon, trop sage
dans vostre conduite, & trop genereux dans vos actions, pour soustenir
le party, où il semble d’abord que vous vous engagiez. Tout Paris à de la
peine de croire, (& sans doute, non seulement toute la France, mais toute
l’Europe sera dans ce mesme sentimẽt) que vous veüilliez fauoriser de votre
protection, contre le bien du Roy & de l’Estat, vne personne que tout
le monde sçait estre le Perturbateur du repos public, l’Ennemy, le Destructeur,
la peste & la ruine de toute la France : Et chacun demeure d’accord,
qu’il faut qu’il se soit seruy de quelque puissante magie pour vous charmer
les oreilles & siller les yeux, afin de vous empescher de voir l’excez de ses
voleries, & d’entendre les plaintes de la misere publique, qui sont montées
iusques au Ciel, & ont attiré la misericorde de Dieu sur eux,
& prouoqué sa Iustice à en faire la punition sur l’autheur de tant de maux.
C’est dans cette deplorable conioncture que nous sommes contraints de
reconnoistre, par cette experience funeste, que tout ce que nous auons
enseigné iusques à present auec tant de contention & d’opiniastreté, est notoirement
faux ; & d’auoüer que la grace de Dieu est necessaire à toutes les
actions des hommes pour estre bonnes ; qu’il ne la doit à personne, & ne
la donne qu’à ceux qu’il luy plaist ; & que la refusant aux meschans il les
abandonne dans la licence de leur vie, les aueugle dans leur conduite, & les