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Mazarinade n° A_5_30

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Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin: Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : A_5_30.


laisse dans l’endurcissement pour y finir malheureusement, qui est le seau
& le dernier caractere de la reprobation. Car quel autre iugement peut-on
faire du Cardinal Mazarin apres tant de desordres causez, fomentez,
& entretenus dans toute l’Europe, par ses brigues & par ses fourberies ?
Apres auoir souleué les sujets contre leurs Princes, & fait assassiner vn million
d’ames dans la rage & la furie des rebellions ? Apres la persecution
de plusieurs personnes de toutes conditions ? Apres le violement de toute
Iustice tant diuine qu humaine ? Apres le vol de toutes les Finances ? Apres
auoir succé le sang du peuple iusques dans les moüelles ? S’estre porté dans
cet excéz de hardiesse & d’insolence que d’entreprendre sur la personne du
Roy ? le faire cõme son prisonnier ? l’enleuer en pleine nuict, sans considerer
le peril de sa vie dans la tẽdresse de son âge ? le tirer de son Palais & du centre
de la seureté de sa personne, pour le conduire où bon luy semblera,
dans la creance qu’il a que Monsieur le Prince luy seruira de Boucliet, ou
plustost de Preuost, d’Archer, de Concierge & de Sergent ? Peut-on s’imaginer
vn plus grand aueuglement : Et faut-il douter que Dieu voyant la
mesure de ses crimes à son comble, n’ayt permis qu’il l’ayt surchargée de
ce dernier attentat, qui seul merite l’execration du Ciel & de la Terre, afin
d’en faire vn exemple de punition pour les siecles futurs, à tous ceux qu’vn
orgueil furieux comme le sien pourroit solliciter à des desseins si estranges
& si inoüis.
 
Si vous n’estiez pas tout clair-voyant comme vous estes ; ou si vous
auiez moins d’experience de sa conduite & de ses actions que vous n’auez
pas, ie vous dirois vne partie de ce qu’il est, & ce qu’il a esté : & il seroit
aisé d’en tirer la consequence certaine & demonstratiue de ce qu’on se
doit promettre d’vne personne de sa naissance & de son temperament. Son
origine n’est pas de ces Illustres & de ces Conquerans qui ont esté autrefois
la terreur de tout le monde, cependant que les Aigles Romains commandoient
à tout l’Vniuers. Sa noblesse n’est pas de plus vieille datte que les
honneurs qu’il a receus en France, sans les auoir meritez : Et quoy qu’il
prenne les haches auec le faisceau de verges pour ses armes, il ne faut pas
s’imaginer que ce soient celles, qui seruoient de marque d’authorité aux anciens
Senateurs de cette florissante Republique, mais bien les haches dont
son ayeul fendoit du bois, & les houssines dont son pere foüettoit les
cheuaux. Car on sçait que son ayeul estoit vn pauure Chappellier, Sicilien
de nation, qui eut la fortune si peu fauorable, qu’il fut contraint
de faire banqueroute & de quitter son pays. Son pere estant ieune & dans
cette indigence, commença ses seruices à Rome dans vne Escurie à penser
des cheuaux ; & peu apres s’auançant, deuint Pouruoyeur & Maistre d’Hostel
de la maison d’vne personne de condition : où faisant valoir auec industrie
les petits profits, qu’on appelle en France les tours du baston, il eut
enfin dequoy payer en partie l’Office de Maître des Postes de Rome à Naple,
sa fortune estant encore si foible, que de deux enfans qu’il auoit, il fut
contraint d’eu faire vn Iacobin, afin de soulager sa famille.