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Mazarinade n° C_6_69

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Anonyme [1649], LA PROMENADE OV LES ENTRETIENS D’VN GENTIL-HOMME DE NORMANDIE AVEC VN BOVRGEOIS DE PARIS, SVR LE MAVVAIS MESNAGE des Finances de France. , françaisRéférence RIM : M0_2901. Cote locale : C_6_69.


les biens des Subiets du Roy, leurs personnes mesmes, comme leur estant
hypothequez, ils tranchoient des puissans, ils auoient des Intendans de
Iustice à eux & à leur mode. Ie puis bien dire à eux, puis qu’ils estoient à
leurs gages & pensions, enfin ils ne consideroient plus les choses que selon
leurs interests ou caprices, puis qu’ils se voyoient en estat de pouuoir impunément
se mocquer de la Iustice.
 
Mais comme ce leur estoit vn trauail trop grand de leuer toutes ces choses
par leurs mains, ils faisoient des Sous-Rois, en faisant des soustraits, &
leurs donnoient à chacun vne ou deux qualitez, selon le pouuoir de ceux
auec lesquels ils agissoient, & ces gens-là seuls traittoient encores par Eslections,
& en faisant tout cela, ils depossedoient les Receueurs generaux &
particuliers de l’exercice de leurs charges, & donnoient pouuoir à ces soustraittans
d’y commettre qui bon leur sembloit ; tellement qu’ils commettoient
pour les exercer vn seul homme ou plusieurs, qui faisoient les receptes
generalles & particulieres, & ausquels ils laissoient la liberté de faire
telles exactions & concussions qu’ils vouloient, pourueu qu’ils fussent
satisfaits de leur aduance ou forfait, & ces hommes ainsi proposez receuoiẽt
ce qu’ils pouuoient & de qui ils pouuoient sans aucun ordre ny regle de
Iustice, & leur auance rembourcée, s’estoit lors que les violences recommençoient
de mieux, car du costé du Roy, c’est à dire les Partisans, puis
qu’ils en auoient les droicts, ils n’auoient plus rien à craindre, n’y de cõpte
à rendre, & du costé du peuple ils auoient encore à pretendre, & c’estoit
là qu’ils ioüoient hautement leur ieu, ou pour mieux dire leur violence, car
ils ne laissoient pas de faire de rigoureuses poursuites, sous le pretexte du
surplus, mais ce n’estoit qu’à leurs fins & non à celles du Roy, c’est à dire,
ils alloient dans vne parroisse ou village auec des couppe-jarets, se disans
Archers, emmenoient les meubles, vaches & cheuaux, bref, tout ce qu’ils
trouuoient appartenant à ces pauures gens, leur faisant en cette sorte plus
de mal & moins esuitable que ne leur en font à present les soldats Allemans
qui sont autour de cette Ville, car à ces Allemans il est permis de repousser
la force par la force, mais à ces premiers cela estoit deffendu à peine de la
vie, tellement qu’ils auoient beau ieu, aussi ne s’y espargnoient-ils pas, ils
emportoient tout, & reduisoient les pauures païsans à coucher sur la paille,
& en beaucoup de lieux à viure de racines, pour n’auoir plus de cheuaux
ny d’vstancilles auec quoy ils peussent gagner leur vie & celle de leurs petits
enfans, dont on a veu quantité mourir de faim & de necessité, & auec tout
cela, ces pauures gens n’estoient pourtant pas quittes, car ils vendoient ces
choses à gens de leur intelligence pour la moitié de ce qu’elles valloient, &
les deniers en prouenans n’estoient pas suffisans pour payer leurs frais, tellement
qu’ils ruinoient les corps & les biens des subiets du Roy, dont sa
Maiesté ne receuoit aucune chose, sinon vne insoluabilité pour l’année suiuante,
& c’est de là que sont venuës tant de non-valleurs.
Enfin, quand ces corsaires ou pirattes de terre auoient aussi tout enleué,
ou pour mieux dire, tout volé, ils s’en alloient sans en rendre aucun compte
à personne : & comme s’estoient des gens incognus & sans adueu, parce