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Mazarinade n° C_9_58

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Anonyme [1649], LA RENCONTRE DES ESPRITS DV DVC DE CHASTILLON ET DV BARON DE CLANLEV, APRES LEVR MORT, arriuée à Charenton. , françaisRéférence RIM : M0_3347. Cote locale : C_9_58.


ont fait passer les vices des autres pour de grandes vertus. Mais comme
le dernier a employé tout ce que la tyrannie & l’oppression a de
plus funeste à la ruine de cet Estat, & qu’il a entierement écorché ce
que les autres n’auoient fait que plumer, c’est vne preuue tres-éuidente
que l’ire de Dieu doit estre appaisée par les dernieres victimes
que ce Barbare a immolées à son insatiable auarice, & que suiuant
les ordres de la Iustice diuine, ce malheureux Instrument de tant de
maux & de supplices doit estre ietté au feu qu’il a allumé dans ce
Royaume. Mais sa rage & sa fureur veulent rendre ce dernier acte
plus tragique ; comme il voit sa perte inéuitable, il veut perir sous les
ruines de cette puissante Monarchie, apres en auoir ébranlé les plus
fermes colomnes, & faire encore plus de mal à sa mort, qu’il n’en a
commis durant sa vie. Il s’est de tout temps tellement attaché à la
personne du Roy, qu’il a rendu son authorité inseparable de la sienne ;
& c’est cette malheureuse confusion qui a engagé la pluspart
des Princes & des Seigneurs dans ses injustes desseins, ne pouuans
distinguer les ordres du Roy d’auec les siens, ou plustost prenant ses
ordres pour ceux du Roy ; en sorte qu’ils croyoient n’y pouuoir contreuenir
sans se rendre en mesme temps coupables de leze-majesté.
Dans cette crainte scrupuleuse ils se sont employez eux-mesmes à
leur propre ruine, en procurant celle de l’Estat. Il a fait arrester les
plus grands Conquerans dans le cours de leurs victoires ; leur a fait
entreprendre contre leur propre sens, des Sieges & des Batailles qui
ne pouuoient reüssir qu’à leur confusion, & leur a fait ceder à leurs
ennemis des auantages que toutes leurs forces n’eussent osé esperer.
I’ay souffert cette derniere honte dans la reddition d’vne place ou
l’on m’auoit estably Gouuerneur, & que j’ay esté contrant d’abandonner
malgré moy à vne trouppe de soldats qui n’en pouuoient pas
ruiner les faux bourgs, par des ordres secrets ausquels ie ne peûs pas
contreuenir, parce qu’ils venoient de la part de ceux qui m’en auoiẽt
confié la garde. Ie la rendis donc, non pas aux ennemis, mais à ceux
qui me l’auoient prestée ; & bien que cette action deust estre excusable,
estant causée par vne force majeure, vous sçauez de quel blâme
elle a esté suiuie, & que la honte dont elle a terny ma reputation,
n’a peû estre effacée que par mon sang. Aussi depuis ce temps ie conceus
vne si grande auersion contre le gouuernement de ce Traistre,
que j’attendois auec impatience l’occasion de reparer par quelque
seruice notable le tort que mon honneur auoit souffert dans ce malheureux