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Mazarinade n° C_9_58

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Anonyme [1649], LA RENCONTRE DES ESPRITS DV DVC DE CHASTILLON ET DV BARON DE CLANLEV, APRES LEVR MORT, arriuée à Charenton. , françaisRéférence RIM : M0_3347. Cote locale : C_9_58.


actions déreglées, & conseruant ce Prince pour luy faire reconnoistre
son erreur, il n’a peû souffrir que ie continuasse plus long temps
à le seruir dans vne guerre dont ie connoissois éuidemment l’injustice
& la violence. Le coup de ma perte est vn effet de sa iustice, puis
qu’à l’assaut d’vn foible village, dont la conqueste ne nous pouuoit
donner d’autre auantage que celuy du meurtre de quelques miserables
soldats qui le gardoient sans en pouuoir estre gardez ; ie fus le
premier à m’exposer à l’attaque d’vn lieu si indigne de moy, & à receuoir
le salaire de ma temerité par vne iuste punition du Ciel, qui
ne sçauroit souffrir que ceux qui sont les colomnes & le soustien de
l’Estat, employent la force qu’il leur a donnée, à sa propre destruction.
Ma perte seule n’appaisa pas sa colere ; celle de mon cousin le
Baron de Saligny, & de plus de trente braues Officiers furent des
victimes immolées à la passion de leur General, & à l’expiation de
vostre mort, & de celle de vos soldats ; la mienne toutefois ne fut pas
si prompte qu’elle ne me donnast le loisir de reconnoistre ma faute,
& d’en auoir vne entiere repentance ; & l’estat où j’estois me faisant
renoncer à toutes les considerations humaines, j’essayay par mes
dernieres paroles de faire voir au Prince l’excez de son erreur, & le
peril qu’il couroit dans cette iniuste entreprise : mais ie reconnus
que la passion l’emportoit sur la bonté de son naturel, & que sa conuersion
estoit l’ouurage d’vne main plus puissante que la mienne, en
fin la mort m’a deliuré de cette honteuse seruitude ; mais le remords
secret d’auoir pery dans vne si malheureuse occasion, ne m’a pas
abandonné auec la vie, il me suit encore icy, & ie n’en pourray estre
garenty que ie n’aye satisfait à la peine que merite mon offense.
 
CL. Veritablement ie plains autant vostre malheur, que ie blasmois
vostre conduite ; & ie ne puis assez remercier Dieu de la grace
qu’il m’a faite de me retirer du seruice d’vn Ministre dont les conseils
sont si funestes à la France, & de quitter vn Party si contraire au
bien de l’Estat. Mais ie ne puis assez admirer que dans le chastiment
qu’il fait des coupables, il distingue si bien ceux dont les intentions
sont pures & sinceres, & qu’vne mesme mort condamne la memoire
des vns, & iustifie celle des autres. Les pechez des François ont
attiré depuis long temps sa iuste vengeance ; & les Fauoris qui l’ont
gouuernée depuis tant de temps, sont les fleaux qu’il a choisis pour
l’exercer : les premiers paroissoient insupportables, mais leurs successeurs
ont fait regretter leur perte, & les maux qu’ils ont commis,