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Mazarinade n° C_9_59

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Anonyme [1649], LA RENCONTRE INOPINÉE DE MARS ET DE VENVS DANS LE COVRS DE LA REYNE, ARRIVEZ NOVVELLEMENT EN FRANCE. PREMIER ENTRETIEN. , françaisRéférence RIM : M0_3348. Cote locale : C_9_59.



Mars.
Vous estes trop ceremonieuse, & iamais ie ne vous ay veu
de cette humeur ; mais sans considerer si c’est l’air du pays,
ou la temperature du Climat qui vous a ainsi changée ; brisons
là, & m’escoutez auec attention. Sçachez donc que
ie ne suis plus ce Dieu adoré de toutes les Nations de la
terre, à qui les Monarques rendoient obeyssance, qui tenoit
sous ses Loix les Potentats du Monde, dont l’Empire estoit
absolu, & la puissance respectée. Les plus florissantes Monarchies
s’estimoient autrefois trop heureuses d’estre sous la
protection de mon bras ; les vnes se croyoient tousiours victorieuses,
& les autres inuincibles quand elles estoient secouruës
de mes armes, & celles que i’abandonnois tenoient
leur ruine infaillible, leur desolation certaine, & leur malheur
sans remede, par tout on ne voyoit que des Autels erigez
à mon honneur, des Temples bastis à ma gloire, dans
lesquels on publioit continuellement mes loüanges, & où
l’on m’offroit sans cesse, des victimes, des holocaustes, des
sacrifices. Maintenant ie suis vn Dieu errand & vagabond,
sans demeure, sans retraitte, sans refuge, & sans assistance.
Venus.
Veritablement ie m’estonne de cét extreme changement,
& i’ay peine d’en connoistre la cause ; i’ay veu autrefois que
vous estiez le seul Dieu de la Grece, & que ce peuple assez
Religieux ne reconnoissoit point d’autre Diuinité que la vostre,
l’on n’y parloit que de vos grandeurs, non plus que de
vos merites, la reputation de vostre nom donnoit de l’admiration
aux meilleurs esprits, & les plus puissans Genies comme
les plus grands Orateurs manquoient d’éloquence pour
exprimer vos perfections, & declarer vos excellences. Dans
Ephese on y voyoit vn Temple dedié à vostre honneur qui
estoit la merueille du mon de, & vn miracle de l’art ; qui estoit
d’vne longueur si excessiue qu’à peine pouuoit-on discerner
vn homme d’vn bout à l’autre, il estoit enrichy de peintures
si rares & si excellentes, que l’on croyoit Apelles en estre seul
l’Autheur, & de figures si parfaitement & delicatement recherchées,