[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° C_9_59

Image de la page

Anonyme [1649], LA RENCONTRE INOPINÉE DE MARS ET DE VENVS DANS LE COVRS DE LA REYNE, ARRIVEZ NOVVELLEMENT EN FRANCE. PREMIER ENTRETIEN. , françaisRéférence RIM : M0_3348. Cote locale : C_9_59.



Venus.
Certes Grand Dieu, il faut croire que nous sommes bien
en mauuaise opinion & en tres mauuais predicament parmy
les peuples, puis qu’ils ont la mesme creance de moy, &
qu’ils maccusent de tous les desordres qui se commettent
dans le monde comme l’amour est la plus douce, la plus charmante
& la plus violente de toutes les passions, comme elle
gourmande les Princes auec plus de tyrannie qu’elle ne fait
pas les autres, il arriue souuent que leurs esprits en estant
preocupés, ils entreprennent tout ce qui peut fauoriser leurs
desseins, ou leur donner la ioüissance de l’objet qu’ils ayment,
comme ils perdent & ruinent entierement tout ce
qu’ils iugent capable d’y apporter quelque empeschement,
en effet qui a perdu Hector, Aiax, Agamemnon sinon
l’amour ? qui a terny la gloire des conquestes & des victoires
d’Alexandre ? sinon le grand amour qu’il porta à la fille du
Satrape Oxane, qui a rendu Marc-Anthoine le plus mal-heureux
de tous les Princes, qui l’a exposé à mille hazards,
& sur mer ? & sur terre, & qui luy a enfin causé la mort sinon
l’affection extreme qu’il auoit pour Cleopatra. Ce fut le
méme amour qui fit perdre l’innocence à Dauid, la sagesse
à Salomon, le courage à Annibal, le iugement à Samsons
& la vie à plusieurs autres grands Monarques. Et c’est luy
encor qui est le fondement de la destruction de tant de villes
qui ne subsistent plus que dans l’imagination des siecles passés,
& dont l’Histoire passera pour fabuleuse dans les siecles
suiuans. Pour cette raison ie ne suis plus receuë en plusieurs
lieux, & les peuples desabuses ne me veulent plus mettre au
rang des Diuinités.
Mars.
Deesse, que i’adore, ie plains le mal-heur de vostre sort & du
mien. Mais ce qui me fasche dauantage, c’est que ie n’y
trouue aucun remede. Helas ! i’ay veu autrefois que dans
Rome i’y estois si respecté, si estimé, si consideré que tous
les Empereurs qui regnoient pour lors, & qui dominoient
tout le monde tenoient à gloire & à honneur de se dire yssus