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Mazarinade n° A_5_107

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Anonyme [1649], LA VERITABLE CONDVITE DV COVRTISAN GENEREVX. , françaisRéférence RIM : M0_3925. Cote locale : A_5_107.


pas estimer ceux qui dans les mesmes sentimens cherchent
les moyens, & les occasions de ne pas demeurer inconnus.
C’est pour cette raison sans doute que les Courtisans
frequentent ordinairement la Cour, & se rendent sujets
à la suitte du Prince, afin de se faire regarder sur ce
Theatre, où les plus beaux, les plus nobles, les plus genereux
esprits paroissent auec éclat. Vous me direz peut-estre
que les plus grandes actions des Courtisans sont de peu de
merite si elles ne sont considerées du Prince, & que pour arriuer
au bon-heur d’estre veu de bon œil, ou estimé de son
Souuerain, il faut cheminer par des voyes pleines de seruitude,
de sueur, de tromperie, d’inquietude : que bien souuent
les fourbes, la violence ou l’artifice d’vn ennemy couuert,
l’enuie, la jalousie en deffendent l’entrée, ou pour le
moins la rendent tres-difficile ; & que les sousmissions honteuses
qu’il faut deferer à tous ceux qui tiennent vostre fortune
en bride, ou qui la balancent sont indignes d’vn Courtisan
genereux qui ne pretend que la gloire & l’honneur. En
effet le chemin qui approche des Grands, & le sentier par lequel
on peut aborder les Throsnes sont tout couuerts d’espines
& de ronces, ou parsemez de foibles roseaux, sur lesquels
on n’oseroit s’appuyer sans se mettre en danger de
precipice. Saint Augustin nous monstre en peu de mots la
miserable condition de ceux qui suiuent la Cour. Dy-moy
ie te prie, dit ce grand Personnage resonnant auec vn Courtisan,
où aspire-tu auec tant de peines ? tant de soins, tant de
trauerses ? ne sçais-tu pas que l’esperance du Courtisan ne
peut estre plus grande que la grace qu’il attend des liberalitez
de celuy auquel il fait la Cour : que cette mesme
grace est incertaine, fragile, & de peu de durée : qu’il faut
beaucoup de temps, de seruices, d’amis pour l’obtenir &
moins d’vn moment pour la perdre : que Dieu a mis deuant
nos pieds les malheurs, les disgraces, les infortunes ? & les
felicitez au milieu des trauaux, des hazards, des miseres, des
calamitez. D’ailleurs plus vne Ame est genereuse, plus
les coups de la fortune luy sont sensibles, & les sousmissions
odieuses ? les desastres sont plus funestes aux personnes de
cœur qu’à celles qui n’en ont point ; & de tous ceux qui frequentent