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Mazarinade n° A_9_2

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Fortin, Pierre (sieur de La Hoguette) [1650], CATECHISME ROYAL. , françaisRéférence RIM : M0_653. Cote locale : A_9_2.


Croyez-moy, SIRE, Ceux qui ne laissent point apres eux de posterité,
ont vn merueilleux soin de buriner en toutes leurs actions de
viues empraintes d’honneur pour leur en seruir. Et ainsi il ne faut
point craindre qu’ils puissent auoir cette lasche pensée que de soüiller
le cours d’vne belle vie par quelque infidelité. Les Ministres, qui
ont toutes ces qualitez, vous doiuent estre bien moins suspects que
ceux qui les enuient ; & V. M. se peut seruir d’eux en toute seureté, de
quelque nation qu’ils soient. Il n’y a point de personnes plus estrangeres
en vos Conseils que les ignorans dans les affaires, qui ont besoin
de guide & de truchement dans vn païs où ils ne connoissent
rien. Il n’y a point aussi de plus beau tiltre de neutralité, que d’ajoûter
par ses soins & par ses conseils à vn Estat, Prouince sur Prouince,
& gloire sur gloire à son Roy.
 
L. R. Mon Gouuerneur, Ie trouue toutes les qualitez dont vous
me venez d’entretenir, si excellentes en vn Ministre, qu’il me semble
qu’il meriteroit, les ayant, qu’on en fist vn Fauory.
L. G. SIRE, Ie ne suis point du tout de cét aduis ; L’esprit de
l’homme est vn vaisseau trop fresle, & trop petit pour receuoir en
mesme temps le secret & le cœur de son Maistre. Il est presque impossible
qu’vn seruiteur puisse estre moderé dans cette double puissance ;
& alors l’autorité Royale est en compromis, & presque impossible
aussi qu’auec le temps l’affection du Maistre ne deuienne
vne jalousie, & alors il est contraint de se priuer d’vn Ministre, qui
peut estre, luy estoit tres-vtile, s’il n’eust point esté Fauory, & d’vn
Fauory qui luy estoit tres agreable, s’il n’eust point esté sõ Ministre.
L. R. Vos raisons me rauissent : Qui estes-vous donc d’aduis
que ie prenne pour mon Fauory ?
L. G. Le plus vertueux ; & vous verrez alors les beaux fruicts
que produira cette glorieuse emulation de le deuenir. Ce sera vn
prix qui tiendra tous les vices de la Cour en eschec, & toutes les vertus
en exercice. Tout autre choix est indigne d’vn Roy. Les Rayõs
du Soleil se dissipent sur vn fumier ; ils n’en attirent que de la puanteur ;
mais sur vne matiere polie, sur le cristal, sur vn diamant ; c’est
en ce lieu-là qu’ils s’vnissent, & qu’ils font vne belle reflexion. Prenez-y
garde, SIRE, Ce choix est de consequence ; il n’y a rien de si
court ny de si petite estenduë que l’esprit d’vn sot, ny de si vaste que
sa conuoitise. Pour conclusion, qui choisit mal se des-honore, iusques
là qu’il fait de son Regne propre vn inter reigne en la suitte
des Roys.