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Mazarinade n° D_2_36

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M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : D_2_36.



Cependant sa colere voyant ses objets hors de sa puissance,
s’exerce & se passe sur tout ce qui se presente à elle. Elle
maudist les murs qui la renferment & les grilles qui la retiennent ;
Elle s’en prend à ses Gardes & vomit contre le Ciel
encores trop doux à ses crimes, tout ce que la rage impuissante
peut mettre d’horrible & d’affreux dedans des paroles.
Mais, les murs, les grilles, les Gardes & les Cieux sont
sourds à ses imprecations, ou s’ils ont des oreilles pour les
entendre, c’est plustost pour les condamner que pour les
plaindre. Qu’il ne s’imagine pas que les menaces de ses paroles
effrayent personne & qu’on le doiue laisser sortir par
crainte ; On se mocque d’vn ennemy furieux quand il est
deuenu impuissant. Les petits enfans mesmes n’ont pas de
peur des Lions qui sont à la chaisne : ils les regardent auec
plaisir en cet estat parce qu’ils ne font plus de terreur.
Le Prince de Condé est au peuple auiourd’huy vn objet de
cette nature : & parce qu’il l’a hay autant qu’il l’a craint, il le
braue autant qu’il le deteste. C’est à present que cette maxime,
REGNER PAR FORCE, & cet autre, QV’ILS ME
HAYSSENT POVRVEV QV’ILS ME CRAIGNENT,
seruent de publique risée. Qu’il eust bien plus gagné en l’amour
du peuple qu’il ne fait en son auersion. Au moins on
l’auroit plaint ; on auroit eu pitié de sa cheute ; on auroit inuoqué
le Ciel en sa faueur, au lieu qu’on ny leue les mains
que pour en attirer la vangeance. Il gouste, enfin, le fruict
amer de ses mauuaises maximes. Ceux qu’il a mal-traittez le
traittent de la mesme façon, & il voit que la compassion
n’entre point dans les cœurs de ceux ausquels il fut impitoyable.
Il ny en a pas vn qui ait respendu vne l’arme ny poussé
vn souspir pour l’amour de luy. Toute l’humeur de ceux qu’il
a blessez s’escoulle par les playes qu’ils leur a faites, il n’en
reste pas vne goutte pour les yeux.
Pour moy, s’il faut que ie quitte en cet endroit les sentimens
publics & que i’entre dans les miens particuliers, ie
condamne toute la rigueur & toute la colere de ses plus aspres
ennemis, & ie n’ay point contre luy cette auersion farrouche