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Mazarinade n° A_2_42

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Anonyme [1649], DEMOCRITE ET HERACLITE, RIANT ET PLEVRANT, sur le temps qui court. DIALOGVE SATYRIQVE. , françaisRéférence RIM : M0_999. Cote locale : A_2_42.


vn iniuste, & vn lasche ; cela tireroit des larmes des cailloux les plus
durs. Le Ciel mesme s’est voilé depuis ce temps-là, & a versé des
pluyes en abondance, le Soleil s’est caché, & n’a point monstré sa
face que lors qu’il a semblé qu’il auoit quelque esperance que ces
maux deuoient prendre fin. Democ. Et moy ie me ris de tous les
peuples de l’Vniuers, de tous ces grands Capitaines, des Princes,
des Rois, & des Monarques. Sçais tu pas bien que quand les Cosmographes
dépeignent tout le monde qu’ils posent au milieu de
tant de grands cercles vn petit poinct qui est vne chose indiuisible,
sans longueur, largeur, hauteur, ny profondeur, & que cela c’est
la terre. Or c’est pour vne partie de cette terre, c’est à dire, pour
vne partie d’vn rien, que tous ces grands Capitaines, tous ces vaillant
champions disputent, combattent, s’assomment, se tuent &
s’entrecoupent la gorge tous les iours. Et ie ne rirois pas de cette folie,
& particulierement de la tienne, qui deurois sçauoir que quand
toute cette machine s’écroüllant renuerseroit sans dessus dessous,
que l’homme sage doit demeurer au milieu de sa ruïne tout debout
sans s’ébranler ny s’émouuoir en aucune façon. Et tu pleure desia
vne perte qui n’ariuera peut-estre iamais. Herac. Il n’est pas deffendu
au Sage de preuoir les mal-heurs, & d’y remedier de tout sen
pouuoir. En vain eussions-nous appris le cours des Astres, les forces
des estoilles, & c’estoit temps perdu aux anciens Egyptiens d’employer
toute leur vie en l’estude de l’Apologie ; les bestes mesmes
apprehendẽt les mal-heurs qu’ils preuoyent par vne insigne nature,
se cachent dans leurs tannieres deuant l’orage & les mouches à miel
se retirent dedans leurs ruches, auparauant que quelque grande
tempeste suruienne Tu diras que ie ne puis pas remedier non plus
que toy aux mal-heurs qui nous menacent, qu’il soit vray, au moins
en témoigneray-je quelque sentiment par mes larmes. Democ. Et
moy ie témoigneray par mon rire, que ie recognoist la folie de tous
les hommes. Tu t’estonnes de voir vn valet faire du Maistre vn ignorant,
contre-faire le sage Politique, vn faquin trancher du grand,
foule l’or aux pieds parmy la soye de ses tapis, commander à de plus
sages que luy, se faire obeyr par les plus grands Princes, posseder
l’authorité Royale toute entiere, iouyr des dépoüilles de tout vn
peuple, armer les plus grands Seigneurs de la terre les vns contre les
autres, bannir, proscrire, condamner, emprisonner, exiler les plus
puissans & les meilleurs, casser les Arrests des Cours Souueraine, &
bref agir non seulement en Souuerain, mais en Tyran ; c’est qu’il