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Mazarinade n° C_6_22

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Anonyme [1649], LE MIROIR FRANÇOIS REPRESENTANT LA FACE DE CE SIECLE CORROMPV. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2480. Cote locale : C_6_22.


pour vous faire croire, que iamais la guerre ne fut conduite de la façon
qu’elle a esté & qu’elle est encore à present ? Et puis que nous sommes
venus au dessus du vent, que vous importe si c’est par l’ayde des rames
ou des voiles ? contentez-vous, mon amy, que nous auons acquis vne
telle reputation dans ce pays que nous faisons tout trembler au seul recit
de nostre nom ; & pensez-vous que si nous n’auions de l’esprit que
nous nous puissions si bien conduire : d’où nous seroit venu tant d’argent
pour nous entretenir durant nos longues couruées ? comment
cussions nous dompté ce puissant monstre Rochelois à tant de testes
sans iugement ? comment le Roy eust-il secouru la Sauoye & l’Italie,
fait trembler l’Allemagne, battu l’Espagne, subjugué tant de Prouinces,
& porté le nom François aux quatre parties du monde ? comment
nous pourrions nous maintenir aupres du Prince sans vne grande preuoyance ?
& nostre entregent auec les Dames qui nous ayment, &
qui nous recherchent, qu’est ce autre chose qu’vn bel esprit ? Mais si ie
dy que la langue Françoise, les plus beaux termes, la plus belle Poësie,
& bref tout ce que le monde produit de plus beau parmy les siens, procede
entierement de nous comme il est cognu d’vn chacun, ne faudra-il
pas que vous m’aduoüiez que vostre proposition est fauce ? & qu’au
contraire il ne s’est iamais veu au monde d’esprits plus deliez ny mieux
entendus, que ceux des Courtisans de ceste Cour ? Retirez-vous donc
auec vos Stoïques, leur recitant les dons que la nature nous a departis
par-dessus tous les autres, & vous contentez de la grace que ie vous
faits, si vous ne voulez que ie vous enuoye comme vn autre Empedocle,
chercher l’immortalité dans la profondité du mont Æthna.
 
Voila que me pourra dire le Courtisan, voyons que nous dira le Politique,
car ie le voy desia paroistre auec vne ample & longue robe de
taffetas, la barbe peinte, la perruque godronnée, les yeux enfoncez, &
le sourcil releué, se marchant à pas sousleuez & mesurez, en son viure
vn Luculus, en ses paroles vn Caton, qui d’vn regard plein de menaces
me vient dire :
Et quoy ieune homme ? ne pensez vous point estre en quelque republique
Grecque, ou dans quelque Tribune aux harangues pour nous dire
impunement tout ce qu’il vous plaira ? la Monarchie ne souffre point
ceste liberté, il faut simplement obeyr, sant s’enquerir. Admirez seulement
le gouuernement, que si vous auiez de la ceruelle pour bien comprendre
toutes choses, vous cognoistrez vne prudence presque incomprehensible
en la conduite des affaires durant vn si fascheux temps.
Et tant de conseils salutaires que nous auons donnez, tant d’aduis meurement
digerez, tant de redditions de villes en vn temps desesperé, pas