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Mazarinade n° C_6_22

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Anonyme [1649], LE MIROIR FRANÇOIS REPRESENTANT LA FACE DE CE SIECLE CORROMPV. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2480. Cote locale : C_6_22.



Ie l’ay entendu exalter son siecle iusques au plus haut ciel de la gloire,
& comme assis sur son throsne iuger de l’antiquité auec beaucoup de
desdain, mais pour ruïner ce Faëton, ie ne veux que des paroles.
Dites moy donc pauure Commourant, n’est-il pas vray que tout
l’art militaire consiste en trois choses, en l’election des soldats, en la
bonne discipline parmy eux, & en la preuoyance pour leur conduite ? Et
neantmoins tous nos soldats sont pris à la volee, de la lie de tous les peuples,
sans se soucier plus auant, sinon qu’ils ayent la face d’hommes, ils
viuent à discretion, sans garder ny Loy ny Ordonnance quelconque, &
ruï nant plustost l’amy que l’ennemy ? sont bien souuent aussi lasches au
combat, comme ils ont esté hardis à la ruïne de leur païs.
Quant à la preuoyance, qui sera celuy des estrangers qui ne deuienne
vn Democrite, pourrire à cœur saoul de la façon de nostre conduite :
Si nous assaillons vne place nous n’auons ny viures ny munitions, ny
des hommes à moitié pres du nombre requis pour la prise. Si nous la
defendons nous sommes tous de mesmes, & si par hazard il y a dedans
des gens de guerre, suffisamment pour la defendre ils auront vn chef
ignorant, traistre, & mauuais François, qu’on y aura mis par faueur,
& non pour sa valeur.
Si nous allons à la charge, n’est ce pas plustost vne ardeur qui nous y
guide que la prudence ? ne pouuons nous pas dire ce que disoit Emilius,
ô Hercules que de Capitaines & pas vn soldat ? que s’il y en a quelqu’vn
qui soit capable de bien faire (comme ie m’asseure qu’il y en a parmy
nous) & qu’il veuille vser de prudence & de conseil, ils luy diront incontinent :
mon amy, les affaires de la guerre ne se manient pas auec
tant de meditations, il faut s’exposer à l’aduenture : & là dessus ils vous
le drapent comme vn homme timide & sans cœur. Mais toy quiconque
sois, ô homme de bien, tiens ferme comme vn Fabius, ces Minutiens
croiront quelquefois tes salutaires aduertissemens.
Et puis où sont les stratagemes, & les ruses pratiquees en l’antiquité,
quelques vnes ont esté tentees, bien peu ont reüssi La raison ? C’est
que les principaux chefs les ont mesprisees. Nous donnons bien plustost
dans les pieges de l’ennemy, que l’ennemy dans les nostres, & bien nous
prend, que la nature nous a donné du courage, car si nous remettions
nostre asseurance sur la conduite, comme beaucoup d’autres peuples ont
faict & font encoer, ie croy que nous y ferions fort mal nos affaires.
O les trois cens soldats du premier Africain, que vous estiez heureux
d’auoir vn tel bouclier ? Et vous grand Cesar, cinq mille trois cens
soldats vous donnerent l’Empire Romain ; mais auec quelles armes ?
ces trois que i’ay dites, l’eslection, la discipline, & vostre bonne canduitte,