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Mazarinade n° C_6_22

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Anonyme [1649], LE MIROIR FRANÇOIS REPRESENTANT LA FACE DE CE SIECLE CORROMPV. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2480. Cote locale : C_6_22.


main, car c’est icy la maison du grand Dieu, & n’y permettez plus ces
ventes & ces eschanges, punissez rigoureusement. Car ces gens cy ne
cherchent que l’Empire, en l’Empire, lequel cependant s’empire autant
en lui mesme, comme ils empirent tous les iours.
 
Quant est de la police qu’ils donnent par les villes, nous le sentons tous
les iours & auec beaucoup de miseres, que tout s’en va en confusion :
De sorte que l’ancienne habitude à l’obeissance maintient plus les peuples,
que l’ordre ny le reiglement que l’on met auiourd’huy parmy
nous. O quels Pericles ! ils nous ont mis dans la guerre, mais ils ne nous
en sçauent retirer. Ils ont nostre substance, & maintenant ils cherchent
les moyens de ne point rendre compte. C’est là leur grand esprit, c’est
là leurs sainctes actions : Aussi n’ayez pas peur que ces gens là deuiennent
des Phociens, des Deciens, ou des Catons ; Ils seroient plustost
Catilinaires, ou Claudiens, voire en vn besoing des Triumvires, s’ils
auoient la ceruelle pour y paruenir. Et voila ce que i’auois à dire de
ceux-cy.
Ie viens maintenant au Financier, qui pense estre l’ame de l’Estat.
Il a bien dit que l’argent estoit le sang des mortels, car il n’est courtisé
que par les mourans, ceux qui aspirent à la vie s’en seruent pour l’vsage
sans affection. Mais laissons ces meditations, & disons plustost que veritablement
ils ont succé tout nostre sang : & c’est pourquoy nostre foye
despourueu de sa chaleur naturelle ne sanguifie plus : Vrais hydropiques,
nous n’engendrons plus que des superfluitez aqueuses qui nous
suffoquent peu à peu.
Mais dites moy, gros frelons, ne serez vous pas d’auec moy, pour
me seruir d’vne preuue que nous sommes la plus folle & la plus esceruelée
nation de la terre ? La finesse perd son nom, quand elle est recogneuë
pour telle, & vous comment vous estes vous comportez en vos larcins ?
au veu & au sceu de tout le monde, de sorte qu’vn chacun en a parlé,
mais personne n’y a donné ordre. Est il possible que vous ayez pris de
toutes mains, & que vous ayez non seulement tary ce grand fleuue
Royal, mais quant & quant espuisé la source qui luy donnoit la vie, impunément,
& sans crainte ? quel assoupissement ? quel hebetement ? ô
Tout-puissant que vous nous auez mis en sens reprouué.
C’est vostre inuention, dites-vous, qui esbloüit nos entendemens,
mais les effets vous dementent. Car quel esprit rassis pourra croire que
vous auez legitimement gagné de tels tresors en si peu de temps ? Et si
l’on recognoist que vous auez pillé, toute vostre industrie estoit peu
de chose, puis qu’elle s’est laissée descouurir par des esprits confus : mais
ceste eau n’est point encore si trouble que ce sable vn peu separé, nous