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Mazarinade n° A_6_23

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Anonyme [1649], LE MONOPOLEVR RENDANT GORGE. , français, latinRéférence RIM : M0_2491. Cote locale : A_6_23.


auez iusques à la gorge. Et quand vous auriez vu estomach
meilleur que celuy de l’austruche qui digere le fer, vous ne
pourriez iamais digerer ce qui est entré dans le vostre. C’est
folie de croire qu’il y ait de l’or potable, ou que ce noble metail
se puisse digerer & tourner en nourriture. Mais quoy, ie
veux que cela soit, & mesmes ie me veux rendre complaisant
à vn tel point, que contre mon sentiment ie veux croire
que vous ayez treuué la pierre Philosophale, & que vous
scachiez conuertir toutes choses en or, apres tout vous ne
sçauriez euiter la mort sans rendre gorge. Vous auez aualé
comme vn breuuage empoisonné le bien d’autruy, il le faut
rendre. Vous y estes condamnez par l’Euesque d’Hyponne,
non dimittitur peccatum nisi restituatur ablatum. Ne me dites
point que vostre esto mach est si bon qu’il digere tout. Cette
faim insatiable qui vous fait aualer toutes choses, est vne
saim canine, vn boulisme. Vostre ventre ressemble à celuy
du Leuiathan, il deuore l’orphelin & la vefue, & mesmes,
cas estrange, engloutit des terres & des Prouinces toutes entieres :
mais il faut rendre tout cela.
 
Ne vous souuenez-vous point du Degobilleur d’eau, qui
nous a rendus si esbahis, quand au lieu de l’eau que nous
luy voyions prendre sur le theatre, il rendoit toute sorte de
liqueurs, du vin, du laict, de l’huile, & de la biere. Vous auez
imité en vn point la subtilité de ce charlatan, il vous reste de
le suiure en l’autre. La pluspart de ceux que la curiosité portoit
à voir vne chose si nouuelle, & que mesme ceux qui la regardoient
auoient peine de croire, s’imaginant que cet
homme tenoit certaine drogue dans sa bouche, qui auoit la
vertu de ne pas changer l’eau en vin (car cela ne se peut faire
que par miracle) mais de luy communiquer la couleur & la
senteur, & ainsi il deceuoit l’odorat & la veuë. Mais les mieux
nuisez & les plus sçauants iugeoient qu’il n’y auoit en tout ce
procedé ny changement de substance ny d’alteration, mais
vn simple mouuement local ; c’est à dire, que toutes ces liqueurs
qu’il rendoit, vuidant à part chacune dans sa phiole,