D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GENIE DEMASQVÉ ET LE TEMPS PASSÉ ET L’ADVENIR DE MAZARIN. Par vn Gentil-homme Bourguygnon. , françaisRéférence RIM : M0_1493. Cote locale : C_5_31.
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Thelogie a t’elle prononcé des arests qui nous obligent de
croire que la cruauté fasse vne des conditions desoints & des
Images de Dieu ? Que peut donc estre deuenuë cette vnion, ou
plustost cette vnité de la clemence des Souuerains, & de l’amour
des sujets ; Par quel exemple le Cardinal Mazarin a-t’il diuisé
deux choses qui n’en font qu’vne en telle rencõtre ? Et par quel
secret a-t’il entrepris de rendre des Roys glorieux par le malheur
de leurs peuples qui n’ont iamais eu pour eux que des
obeissances & des benedictions publiques. Est-il tombé dans la
maxime furieuse de cét Empereur ; Qu’on me haïsse pourueu
qu’on me craigne ? A-t’il iugé qu’il estoit de nous, comme de
ces bestes farouches, qu’il est plus aise de combattre que d’appriuoiser ?
Et s’est-il persuade qu’vn throsne ne pouuoit mieux
estre affermy que sur des sepulchres : Certes la bonté des Princes
& l’amour des peuples font deux choses inseparables ; ce
sont ces deux caracteres des Hebreux, dont l’vn est nommé par
eux la gauche, ou l’obeyssance par qui le Prince est redouté des
estrangers, & la nomment le glaiue de Dieu, & l’autre la droitte
qui le fit aimer à qui ces Hebreux mesme ont donné le nom
de Clemence, & qu’ils appellent le Sceptre de Dieu.

 

Le Cardinal Mazarin a tout confondu, cependant sous le
nom du Prince ; il a prostitué son caractere & sa volõté absolue
dans tous ses ouurages propres ; & comme s’il eut eu dessein de
rendre son regne odieux à tous les hommes, il l’a fait le tyran &
le meurtrier de ceux qui le demandent, comme leur Roy legitime,
& qui le reconnoissent comme leur veritable Pere.

Mais apres auoir manqué dés long temps à ce que la Religion
à de plus sainct & de plus sacré, il n’a pas eu beaucoup de peine
à manquer à la Politique ; apres auoir mesprise les commandemens
de Dieu, il luy a esté facile de violer les loix humaines, &
de rendre son ambition plus grande & plus forte que la coustume
& le droit des gens. Il n’a regardé l’Estat que de costé qu’il
luy pouuoit estre vtile, il n’a considere la Iustice que par son
bandeau, & sans refléchir sur cette peinture Morale ; il s’est
persuadé qu’elle estoit aueugle comme la fortune. Dans cette
opinion criminelle, il n’a laissé au Roy que le titre ; & n’a laissé

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D. B. [signé] / Cyrano de Bergerac, Savinien de [?] [1649], LE GENIE DEMASQVÉ ET LE TEMPS PASSÉ ET L’ADVENIR DE MAZARIN. Par vn Gentil-homme Bourguygnon. , françaisRéférence RIM : M0_1493. Cote locale : C_5_31.