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Mazarinade n° D_1_12

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Anonyme [1649], LE PROCEZ, L’ADIOVRNEMENT PERSONNEL, L’INTERROGATOIRE, ET L’ARREST DE MORT DV ROY D’ANGLETERRE. Auec ce qu’il dit & fit deux iours auant sa mort: Et la Harangue qu’il prononça sur l’échaffaut. Selon le rapport de plusieurs Gentils-hommes Anglois qui y assisterent, & meirent le tout sur des tabletes. Fidelement traduit de l’Anglois, par le sieur DE MARCYS, Interprete & Maistre pour la langue Françoise du Roy d’Angleterre regnant à present, & de son Altesse Royale Mgr le Duc d’York son Frere. , françaisRéférence RIM : M0_2888. Cote locale : D_1_12.


vn ordre, par lequel il estoit defendu de reconnoistre vn Roy, sur peine
d’encourir le crime de haute trahison, comme aussi de prescher ou dire
quoy que ce soit contre leur procedé.
 
Le Roy demanda au Parlement par vn des Officiers de l’armée qu’il luy
fust permis de voir ses deux enfans, le Duc de Glocester & la Princesse
Elizabeth, qui sont prisonniers de ces barbares, & qu’ils sacrifieront peut-estre
encore à leur fureur, si les Princes Chrestiens ne leur arrachent bientost
des mains ; comme aussi qu’il pût conferer particulierement auec le
sieur Luxson Euesque de Londres, pour le soulagement de son ame, ce qui
luy fut accordé. Le Dimanche, ledit Euesque prescha deuant sa Ma esté,
où il despouïlla la mort de toutes ses espines & de toutes ses amertumes.
Et le Roy eut le Dimanche & le Lundy pour s’apriuoiser auec la
mort, & rompre tous les liens de la terre & de l’amour paternel, pour voler
plus legerement au Ciel. Nous ne pouuons sçauoir que de la bonté de
ce Prince & de cette Princesse, les consolations que le Roy & Pere leur
donnoit, & comme il les exhortoit de ne jamais rien faite d’indigne de
leur naissance, & de mourir plustost que d’abandonner son peuple à la tyrannie
des vsurpateurs de sa Couronne ; Mais pourtant il les prioit & leur
faisoit promettre de ne point tirer vengeance de sa mort, leur disant que
Dieu en disposeroit selon les decrets de sa Prouidence, & que le bien qu’ils
feroient à ses peuples les restablissant dans leurs droits & libertez, luy seroit
vne tres ample satisfaction. En suitte il détacha sa jartiere bleuë, qui
est vne marque de l’Ordre qui porte ce nom, & la lia à la jambe de son fils,
le petit Duc de Glocester.
I’ay horreur de vous rapporter les indignitez que les satellites insolens
commettoient en la presence de ce Prince, & comme s’ils eussent eu peur
qu’il se fust eschappé imperceptiblement des prisons, comme le Prince des
Apostres, ils couchoient dans sa chambre, & s’enyuroient & crioient de
sorte qu’il luy estoit impossible de reposer. Et comme il auoit vne auersion
extreme pour le tabac, & qu’il les prioit de n’en point prendre, ces
infames luy respondoient, qu’ils n’estoient pas là pour luy obeïr, & pour
luy accorder ses plaisirs ; ils tiroient les rideaux de son lict ; ils luy crachoient
au visage ; ils le descouuroient. Bref imaginez-vous vne troupe de
demons dans la cellule de Saint Antoine. Ainsi ce Prince passa toute la
nuict, entre les mains de la plus sordide & la plus enragée canaille que
l’enfer ait jamais vomy.
Le Mardy neufiéme de Ianuier, le Roy fut conduit de saint Iames,
maison Royale où demeurent d’ordinaire les ieunes Princes, à trauers le
Parc qui vient gagner Whitehall, lequel estoit tout plein d’Infanterie en
bataille, l’Euesque de Londres estoit aupres de luy, & le Colonel Thomlinson
Capitaine de sa garde, qui parloit à sa Majesté la teste nuë. Il estoit
aussi accompagné de quelques Gentilhommes de sa maison, qui estoient