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Mazarinade n° A_2_3

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Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D'VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : A_2_3.


Et la Lune, quoy qu’elle ne chemine que dans les tenebres, ne laisse pas d’estre
égale dans la course vagabonde qu’elle fait, lors que toute la nature est en
repos, les saisons composent si également l’année, qu’elle ne fait iamais
que douze mois. Enfin, Monseigneur, cette égalité admirable se rencontre
dans le flux & reflux de la mer, qui est le theatre de l’inconstance, & de
l’inegalité.
 
Le Card. Toutes ces comparaisons ne sont pas mauuaises. Mais particulierement
la derniere, parce que dans l’inconstance & les orages de la guerre,
ie ne laisse pas de conseruer cette égalité entre les deux Couronnes, qui cause
tout le repos de l’Europe, de mesme que toutes ces égalités que vous auez
tres-doctement descrites, composent cette harmonie, & cét accord qui se
void dans l’Vniuers.
Le Casuiste. Tellement, Monseigneur, que pour conseruer cette égalité
nous auons perdu Lerida.
Le Card. C’est bien là la raison generale, mais il y en a encore de particulieres.
Premierement pour faire valoir la necessité de nostre protection aux
Catalans, il les falloit tousiours laisser à la proye du Roy d’Espagne.
Le Casuiste. Mais, Monseigneur, si vous eussiez conserué Lerida, les Catalans
seroient contraints de parler François, & n’auroient pas la liberté de se
ranger du costé de nos ennemis, si cette porte leur eust esté fermée.
Le Card. En cela vous dites vray. Mais ie voulois conseruer la gloire de
la prise de cette Ville, pour mon frere à qui ie destinois la Vice-Royauté.
Le Casuiste. Sa gloire eust esté grande, apres que deux Princes n’y ont
pû reüssir.
Le Card. C’est pour ce sujet en partie, que j’ay fait eschoüer leurs entreprises.
Le Casuiste. Pourquoy dites-vous en partie, Monseigneur ?
Le Card. C’est que mon interest propre m’a encore obligé à cela.
Le Casuiste. Ce n’est pas l’interest d’égalité, Monseigneur.
Le Card. Non, c’est plustost l’inegalité. Il estoit bien iuste, puisque j’ostois
les Couronnes aux Princes, & les conseruois à d’autres, que ie deuinsse leur
égal, & que pendant que j’auois le temps de disposer des finances & des armes
de la France, ie les employasse à conquerir quelque Souueraineté, où j’eusse
pû reconnoistre la France par les alliances que j’eusse fait auec elle. Ce dessein
formé ie jettay l’œil sur l’Italie, à cause des habitudes que j’y ay, & que par argent,
dont ie ne manquois point Dieu mercy, l’on peut tout en ce païs-là.
Le Casuiste. Mais vostre Eminẽce reüssit malla premiere année à Orbitello.
Le Card. C’est ce qui m’y fit opiniastrer l’année suiuante, & ie ne fus pas
marry que Lerida fust assiegé, parce que la piece estant plus importante de
beaucoup qu’Orbitello, ie ne doutois point que l’Espagnol ne m’abandonnast
Orbitello, pour sauuer Lerida. Veu aussi qu’il me voyoit opiniastré à Orbitello,
& que j’empeschois qu’il n’allast aucun secours au Comte de Harcour,
pour luy faire sentir mon dessein, & luy faciliter la deliurance de cette place.
Le Casuiste. Mais pourquoy joüsates vous le mesme tour à Monseigneur
le Prince ?