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Mazarinade n° C_5_28

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Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D’VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. Tenuë Sainct Germain en Laye deux iours consecutifs. PREMIERE IOVRNEE. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : C_5_28.


m’ont sollicité, le declarassent, & si ne les croiroit-t’on pas peut-estre, &
que j’exposasse beaucoup de François qui m’ont donné iour à faire des choses
preiudiciables à l’Estat.
 
Le Casuiste. Mais s’ils vous demandoient, Monseigneur, pourquoy estant
si fidele à la France, vous n’auez pas fait faire punition de ces sortes de gẽs-là ?
Card. Ie me suis contenté de les esloigner des charges petit à petit.
Le Casuiste. Comme ils sont tout pleins de mesdisance, Monseigneur, ils
diront que vous n’auez pas voulu chastier des gens de vostre sorte, & que le
desespoir leur eust fait declarer des choses qui ne vous eussent pas esté auantageuses.
Le Card. Il les faut laisser dire, les effects dementent les calomnies.
Le Casuiste. Helas, Monseigneur, ils ne sçauent que trop la verité.
Le Card. Qu’ils en disent ce qu’ils voudront, si est-ce qu’ils ne sçauroient
nier que j’aye liuré Cazal à la France.
Le Casuiste. Il est vray, Monseigneur, mais comme vos interests ternissent
les plus glorieuses actions, ils ne manqueront point d’auancer que vous auez
en cela trahi vostre Prince, & mis en compromis la reputation de sa Sainteté,
à qui vous apparteniez alors.
Le Card. S’ils vous pressent iusques-là, dites que i’ay preferé leur
interest à mon honneur.
Le Casuiste. Monseigneur, pardonnez moy s’il vous plaist, ce seroit leur
donner cause gagnée, car ils infereroient de là que vous estes vn homme
sans honneur, & que le fondement de vostre fortune estant sur vne infame
action, le bastiment ne sçauroit estre que vicieux.
Le Card. Pour vous descouurir le nœud de l’affaire, à vous qui m’estes intime
amy, ie n’ay iamais eu d’autre but que mon establissement, & il n’y a
rien que ie n’eusse mis en besogne pour le faire.
Le Casuiste. Ne pouuiez-vous pas vous auancer en Espagne ?
Le Card. Ne sçauez vous pas que personne n’est prophete en son païs, &
qu’estant de naissance obscure, ie ne me pouuois aduancer que par quelque
action extraordinaire. Ie vous aduoueray bien, que i’ay eu tousiours dessein
de seruir ma Patrie, & il me semble que le vray moyen de le faire auantageusement,
estoit d’acquerir du credit en France.
Le Casuiste. Mais comment auez-vous peu surprendre l’esprit du Cardinal
de Richelieu ?
Le Card. Ie n’ay iamais tenté cela, au contraire, i’ay tasché (comme i’ay
tres-bien reüssi) de luy persuader que j’estois tres affectionné à la France,
sçachant bien que si ie passois pour tel dans l’esprit de ce grand Genie, la
France ne manqueroit point d’auoir la mesme estime de moy. Et puis de
son viuant ie ne pouuois pas esperer de tenir le timon de l’Estat.
Le Casuiste. Mais quelle asseurance auiez-vous de luy succeder dans le
Souuerain Ministeriat, veu que vous estiez contraint de mal traiter, & vous
rendre odieux à la Reyne Regente ?
Le Card. Nous songions bien à la Reyne alors, Ie taschois seulement de me
mettre dãs l’esprit du Roy, qui deuoit apparẽment suruiure au feu Cardinal.