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Mazarinade n° C_5_28

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Anonyme [1649], APOLOGIE POVR MONSEIGNEVR LE CARDINAL MAZARIN, TIREE D’VNE CONFERENCE ENTRE SON EMINENCE ET Monsieur ****** homme de probité & excellent Casuiste. Tenuë Sainct Germain en Laye deux iours consecutifs. PREMIERE IOVRNEE. , françaisRéférence RIM : M0_127. Cote locale : C_5_28.


beste que le peuple, il y a de certaines saisons où il luy faut accorder tout.
Pour moy ie suis dans vn estat où il faut que ie me contraigne vn peu, &
mesle la peau du Renard à celle du Lyon.
 
Le Casuiste. Monseigneur, tout cela ne seruira de rien, j’aimerois mieux,
si vous me faites l’honneur de me croire, leur representer rondement mes
raisons, & tascher de me iustifier s’il est possible.
Le Card. Vous dites bien, mais encore faut-il se concilier les esprits des
Iuges, & leur dire comme ie suis leur tres-humble seruiteur, qu’il n’est rien
en mon pouuoir que ie ne fasse pour eux, & que mesme la Reyne & les
Princes me veulent mal que ie prends trop leur party.
Le Casuiste. Monseigneur, ie suis honteux de vous parler si librement,
mais ie vous prie ne prenons point ces biais-là Il me semble que j’entends ces
Messieurs me dire desia qu’ils ne connoissent que trop l’humeur Italienne,
qui flatte pour mieux mordre, qui sçait dissimuler quand il faut, & qui donne
de la force à sa vengeance, par la contrainte qu’vne feinte reconciliation
luy apporte, bref ils me diront mille fadaises touchant cela que vous sçauez
mieux que moy.
Le Card. Quoy les François sont deuenus bien sçauants !
Le Casuiste. Sçauants, Monseigneur, vous ne croiriez pas combien ils le
sont, car il n’y a rien qui aiguise tant l’esprit comme la pauureté.
Le Card. Ie voudrois que par cette raison-là ils eussent encore plus d’esprit
(mais cela soit dit entre vous & moy) ils ne seroient pas peut-estre si
orgueilleux, ny si refractaires aux commandements & aux volontez de la
Reyne.
Le Casuiste. Mgr, ie serois bien marry qu’ils entendissent ce discours là
Le Card. Vous voulez dire qu’ils ne manqueroient pas de dire que la Reyne
ne donne point de commandemens, que ceux que mes conseils luy suggerent.
Ces gens-là ont bonne opinion de la Reyne & de nos Princes. Il s’ensuiuroit
donc de là, que la Reyne & les Princes ne seroient pas capables de cõseil.
Le Casuiste. Le peuple est si fol, Monseigneur, qu’il dit que vostre Eminence
les a charmez, & sans vous offenser, ie suis de leur opinion ; mais c’est
par la beauté de vostre esprit, & l’ascendant que vostre genie a sur le leur.
Le Card. Encore cela me console-t’il dans mon affliction, que le monde ait
si bonne opinion de moy. Mais insensiblement nous nous esloignons de nôtre
dessein. Apres vous auoir dit ma pensée, dites-moy vn peu la vostre ;
comment nous y faut-il prendre ? par où entamerez-vous mon Apologie à
ces Messieurs ?
Le Casuiste. Monseigneur, vostre Eminence se mocque de moy, ie ne suis
icy que pour receuoir ses commandements, si ie m’emancipe vn peu de choquer
ses sentimens, ce n’est que pour leur donner du lustre par vne opposition
si obscure, qu’elle ne sert que d’ombre au vif éclat de ses raisonnemens.
Le Card. Mr, puisque ces esprits solides ne se payent pas de paroles, prenons
les par des seruices, dont la solidité est telle, qu’ils ont serui de pierre
fondamentale à toute la gloire & felicité de la France.
Le Casuiste. Voila la meilleure voye par où vous les puissiez prendre. Mais