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Mazarinade n° A_5_13a

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Anonyme [1649], LETTRE D’VN GENTIL-HOMME DE LA COVR, A vn Seigneur qui est à l’Armée, TOVCHANT L’ATTENTAT COMMIS AVX FILLES DIEV A PARIS, En la personne de Madamoiselle de sainte Croix, & toute la suite des procedures dont on a vsé contre-elle. , françaisRéférence RIM : M0_1868. Cote locale : A_5_13a.


vne terre au nom de la fille. Cette proposition ne les surprit pas. D’abord
ils tesmoignerent de s’estimer beaucoup honorés, de ce qu’vn si grand
Prince encore plus illustre par son merite qui est extraordinaire, que
par sa naissance, bien qu’elle soit Royale, daignoit penser à eux ; Mais ils
prierent en suite ces Messieurs, de luy dire qu’ils esperoient cette grace
de la bonté de son Altesse, qu’il leur permettroit de disposer absolument
de leur fille, sans qu’elle fut donnée à vn homme qu’ils ne connoissoient
point, pour luy seruir de recompense.
 
N. qui sçeut que la responce à cette proposition, estoit aussi peu
fauorable, que son dessein auoit esté temeraire, creut que les bonnes
affaires ne se font iamais bien par commission, & qu’agissant par luy
mesme il seroit plus heureux que lors qu’il auoit traité par autruy ; Il
vient à Caen en compagnie de ces deux hommes qui luy deuoient seruir
de conseil & de secours en cette entreprise, pour se faire voir à sa
Maistresse ; esperant que la veüe de sa bonne mine gaigneroit peut-estre
plus sur cette fille que la proposition de tous ces grands auantages dont
il l’auoit flattée. Mais comme elle n’auoit eu que de l’indifference pour
le bien, elle tesmoigna du mespris & de l’auersion pour la personne, &
en l’vn & en l’autre de la sousmission & de l’obeissance à ses parens. Cet
Amant obstiné que les rebuts & les affrons sembloient rendre plus hardy,
& ne faisoient que l’irriter plus fortement à cette poursuite ; éprouua
sa passion deuenir furieuse, depuis qu’elle sentit de l’opposition & de la
resistance à ses projets. Il prend son temps, il sollicite ses amis, Il interesse
les Puissances dans son dessein. Il resoût dés-lors de l’enleuer, se
persuadant par effort de raison que lors qu’elle seroit en sa ioüissance, il
surmonteroit aisément vn courage de fille par vne passion si constammẽt
obstinée : Et qu’elle se laisseroit enfin toucher de la veüe presente de
sa douleur, que le mal-heur de son eloignement & de sa disgrace luy deuoit
comme necessairement supprimer. Il creût en effet que sa procedure
ne pouuoit estre condamnée d’entreprise, ny de ce violement iniuste
qui est punissable par les loix, puisque s’estant associé le Pere de la
sille qu’il auoit tiré à son parti, il l’auoit pour autheur & pour complice
de cet enleuement, & qu’il ne faisoit que luy prester son bras, & sa main,
pour se venger d’vne desobeissance si rebelle : appellant son mespris &
cette sage retenüe d’vne fille constante & courageuse vne secrete entreprise
contre la puissance paternelle & vne reuolte toute ouuerte contre
l’authorité des Puissances qui nous sont superieures.
Dans ce dessein il est prest de la rauir d’entre les bras de sa bonne
mere, au sein de laquelle elle demeure si inseparablement vnie & attachée.
Et il eust dés lors executé, ce qu’il auoit entrepris, si l’œil d’vne mere
adroite & clairuoyante, n’eust dé couuert ses desseins, deuant mesme
qu’ils fussent formés, & preuenu de la pensée, l’issuë & l’euenement
des choses long-temps mesme auparauant qu’elles fussent commancées.