[retour à un affichage normal]

Accueil > recherche > Affichage d'une occurrence en contexte

Mazarinade n° A_2_59

Image de la page

Anonyme [1649], SECOND DIALOGVE, ENTRE LE ROY DE BRONZE ET LA SAMARITAINE. Sur les affaires du temps present. , françaisRéférence RIM : M0_1090. Cote locale : A_2_59.


non l’insolence Espagnole, de laquelle, malgré sa perfidie, nous
auons tousiours triomphé ; mais la Françoise mesme, s’il m’est permis
de nommer ainsi celle de ces Harpyes, que la France leur mere desauouë.
Enfin voyant la France, elle croiroit voir vn sanglant Theatre,
où les Ministres de l’auarice, & de l’inhumanité de ses Intendans ont
tour à tour ioüé des roolles, dont le seul recit toucheroit tres-sensiblement
les ames les plus insensibles. Mais pour les voiler aux yeux de sa
Maiesté, ils pratiquent le precepte des Artisans de la Scene en des sujets
tragiques, de ne rien estaler aux yeux des spectateurs, qui puisse
leur causer de l’horreur, veu qu’il est aisé de se figurer, que ce que
l’on n’a point veu deuant vne Scene, s’est passe derriere de la sorte
qu’on le raconte apres, c’est à quoy semble principalement seruir le
rideau. Et plust à Dieu, grand Monarque, que l’vsage n’en fust pas plus
necessaire aux vsurpateurs de l’authorité Royale, ou (pour ne point
sortir de ma comparaisõ) à ces illustres Acteurs, qui font d’vn Estat vn
Theatre ; qu’à ces autres, qui font d’vn Theatre vn Estat, quoy que
ce soit chocquer vne des reigles de leur Art. Mais quoy ? C’est vne
difference que ie remarque entr’eux, que ceux-cy n’ont pas faict tout
ce qu’ils racontent, & que ceux-là ne racontent pas tout ce qu’ils ont
faict. Et qui tireroit le rideau, pour faire voir à nos Souuerains ce qui
leur est caché, ou du moins qui feroit à leurs oreilles vn fidele recit de
ce qu’il ne pourroit estaler à leurs yeux, obligeroit grandement sa patrie.
De ces deux choses l’vne nous est impossible, l’autre nous est
difficile : & les deux ordinairement non moins funestes à ceux qui les
osent entreprendre, qu’inutiles aux Estats pour lesquels ils les entreprennent.
Pour ne pas emprunter de l’Histoire ancienne & de l’estrãgere
ce que nous fournit la moderne & la nostre mesme, pouuoit-on
apparemment estimer, que la France opprimée nourrist vn François,
qui voulust s’aller prosterner aux pieds de nostre incomparable Regente ?
& qui ne creust, s’il le faisoit, auoir moins de suiet d’en esperer
nostre salut, que d’en craindre sa perte ? Elle en esleuoit pourtant,
grand Monarque, elle en esleuoit vn nombre assez considerable, Et
c’est celuy qui forme ce grãd Parlemẽt, le premier & le plus illustre de
tout l’Vniuers. Ces genereux Senateurs, dans vn milieu parfaitement
harmonique, entre la hauteur de nostre Regente, & nostre bassesse
voyoient de leurs Tribunaux ce qu’elle ne voyoit pas de son Throsne
à trauers l’espaisseur d’vn nuage qu’vn en hanteur a formé au dessous
d’elle à la verité, mais au dessus d’eux ; & la Tyrannie de ce pernicieux