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Mazarinade n° A_9_12

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M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : A_9_12.


de la conjuration de Cinna, si elle eust eu affaire à vn
cœur si dur & si obstiné. Il ne faut pas s’estonner s’il y en a vne
autre plus aspre & plus inflexible qui rarement vse de la clemence,
& qui se sert tosiours de la rigueur. Les sages & les
subtils gouuerneurs qui ont cognu la difference des humeurs
des hommes, ont posé de differentes maximes pour les gouuerner.
Puis qu’il y a des natures douces & recognoissantes,
il est iuste que l’on traitte leurs fautes auec humanité, & que
l’on n’arme pas le bras de la Iustice contre ceux-là que pour
vaincre la clemence. La misericorde est vne vertu diuine, qui
ne se trouue que dans la puissance, & qui est la marque veritable
de la grandeur. Il sied bien aux Roys d’estre misericordieux
quand ils le peuuent estre, & l’on admire bien plus
le pouuoir de punir, qui pardonne que l’authorité qui se venge
de ses ennemis. Ce n’estoit pas vne des moindres parties
de la grandeur de Cesar que sa clemence. Quand pour toute
colere il publioit par Edits, qu’il estoit aduerty des conjurations
qu’on faisoit contre luy, sans en faire de plus violentes
poursuitte ; cette douce & cette genereuse procedure estoit
bien plus agreable aux Romains que sa vengeance. On change
bien souuent la haine en amour par la grace, & le pardon
gagne quelquefois des cœurs que toutes sortes d’autres attraits
n’auroient sceu toucher. Le criminel qui voit son Roy
encores plus indulgent qu’il n’est coupable, entre dans l’horreur
de son crime & dans l’admiration de la misericorde de
son Maistre. Que ces paroles d’Auguste sont puissantes !
Viens ça, Cinna, ie t’ay comblé de biens & tu me veux tuer ;
Voyons si ie n’en sçaurois accabler ta rage ; & si en te pardonnant
& te donnant le consulat au lieu du supplice, ie ne te
sçaurois vaincre Il le vainquit de vray : La douceur de ces paroles
banit toutes les rigueurs de son ame ; & ce Romain qui
s’estoit deffendu de tant d’autres bien-faits ne peut se deffendre
de cet indulgence.
 
Il ne faut pas pour regner seurement vser tousiours de la
rigueur. Le sang que plusieurs Tyrans ont respandu pour se
conseruer, n’a fait qu’augmenter la haïne de leur tyrannie.