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Mazarinade n° D_2_36

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M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : D_2_36.


alluma dedans l’Empire les cruelles guerres que sa
iuste vigueur auroit pû terminer. Ce grand Romain qui vainquit
Pompée à Pharsale croyant gagner les cœurs par la generosité
de sa clemence, ne peust empescher la gloire de sa
grandeur, de les animer contre luy ; & pour auoir pardonné
à trop de monde il en trouua de si ingrats & de si cruels à son
amitié qu’ils conspirerent sa mort & luy rauirent la vie dans
le Senat, L’ingratitude est pour le moins aussi ordinaire que
la recognoissance, & l’ambition emporte bien plus de cœurs
que la temperance n’en retient Qui poussa le Mareschal de
Biron dans l’attentat qui le conduisit à vn honteux supplice,
que la lascheté de l’vn & la violence de l’autre de ces deux
deffauts. La clemence de son Roy luy ayant vne fois pardonné,
ambitieux ingrat, il ne fit point conscience de se porter
à vne seconde faute : & il ne faut pas douter que s’il eust eu la
puissance d’abattre celuy qui l’auoit eleué il ne l’eust fait.
 
C’est la nature de l’ambition d’oublier les biens qu’elle a receus,
& de tendre toûjours à de plus grands ; & si nous en trouuõs
ailleurs des exemples plus signalez & plus remarquables,
nous n’en trouuerons point de plus rescent & de plus sensible
que celuy du Prince de Condé. Il ny a que trois iours qu’il
estoit le plus riche & le plus puissant sujet de l’Europe, & que
comblé & quasi accablé de bien-faits, il sembloit ne deuoir
plus former de souhaits. Dans la pleine jouïssance
de tant de richesses & de tant d’honneurs il deuoit auoir
esteint ses desirs. Mais comme dit Epicure, estre riche n’est
pas soulagement, c’est seulement changement d’affaire. La
passion s’augmente auec l’abondance, & ceux qui possedent
beaucoup sont ordinairement plus auares & plus ambitieux
que ceux qui n’ont tien. Il est de ces deux vices comme de
la flâme qui se grandist à mesure que l’on luy donne dequoy
deuorer, & l’on peust iustement comparer ceux qu’ils tyrannisent
à cet cresiction d’Ouide, qui n’ayant plus rien à manger
se mangeoit & se rongeoit soy-mesme. Ce grand vainqueur
qui sousmit l’Asie à la Grece quand il souhaitoit vn
autre monde pour le conquerir n’auoit-il pas les mouuemens