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Mazarinade n° D_2_36

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M. L. [1650], DISCOVRS ET CONSIDERATIONS Politiques & Morales SVR LA PRISON DES PRINCES DE CONDÉ, CONTY, ET DVC DE LONGVEVILLE. , françaisRéférence RIM : M0_1120. Cote locale : D_2_36.


& inflexible qui difficilement se contente de son
malheur. Ie sçay iusques où va l’amour de la vertu & de la patrie ;
Ie sçay que toute la terre a tousiours hay les vitieux &
les tyrans, moy-mesme i’ay pour eux vne iuste haine, mais
ie ne pense pas qu’on puisse contre luy auoir encor vne iuste
colere. Si ie le voyois les armes à la main à la teste d’vne cruelle
& d’vne puissante armée, mettre tout en sang & en flâme,
rauager la campagne, piller les villes & traitter auec esgale
barbarie les âges & les sexes differens, ie m’estimerois moy-mesme
trop cruel & trop lasche, si ie demeurois alors stupide.
Mais quoy, il est bien loin d’vn estat si terrible & si dangereux.
Ce n’est plus qu’vn grand Prince, le redoutable vainqueur
de nos ennemis, deuenu le miserable joüet de nostre
haine. Son malheur, quoy qu’on en puisse dire, est trop digne
de nostre pitié. Et si nous songeons qu’il n’est malheureux,
que parce qu’il est criminel, & que nostre nature generalement
mauuaise, aussi bien que luy nous rend tous capables
de crime, par l’objet de ce que desia nous meritons, &
de ce que nous pouuons encores meriter, nous aurons compassion
de ce qu’il souffre. Le prouerbe familier, qui dit, qu’il
ne faut pas que les aueugles se mocquent des boiteux, porte
dans sa naïfueté vne instruction élegante à ceux qui sans se
cognoistre condamnent en autruy les moindres deffauts : &
le commandemẽt de Iesus-Christ qui veut que nous ostions
le cheuron qui est dans nos yeux auparauant que d’aduertir
nostre prochain du festu qui entre sous sa paupiere, nous
apprend combien il vaut mieux que nous nous arrestions à
corriger nos imperfections, qu’à faire censure à celles des
autres. Il est bien plus digne d’vne ame chrestienne de plaindre
le Prince de Condé, que de le condamner. S’il est coupable,
n’est il pas assez de juges sans que nous nous declarions
ses bourreaux auparauant qu’on l’ait declaré digne du
supplice. Laissons de dans les mains ou reside la puissance, la
liberté de sa condamnation. C’est aux particuliers à souhaitter
tousiours l’innocence des accusez, comme c’est aux Magistrats
& aux personnes publiques à en rechercher le crime.